AVERTISSEMENT
Le texte qui suit porte sur la sexualité. Il n'est donc pas destiné à nos jeunes lecteurs !


CHAPITRE II
L’ENQUÊTE SUR LA SEXUALITÉ ANALE
MATÉRIEL ET MÉTHODE



M. Bozon, en 1995, écrit : « L’activité sexuelle reste un objet difficile à appréhender. Le comportement sexuel n’est pas observable au sens strict ». [18]
Ph. Brenot ajoute lors du DIU de sexologie : « Le mode déclaratif sur la sexualité est faux, même chez nos patients. » puis « Comment mener à bien une enquête sur la sexualité si on part du principe que le mode déclaratif sur la sexualité est faux ? » et plus encore : « On ne peut pas envoyer un huissier dans les chambres à coucher »… Et pourtant, il nous incombe d’essayer de décrypter ce qui s’y passe…
Nous avons tout d’abord pensé à un questionnaire dirigé lors d’un court entretien, mais nous avons vite renoncé. Il semblait impossible d’insérer dans la pratique d’un proctologue un questionnaire sur la sexualité (anale qui plus est !) et, pour paraphraser M. Foucault dans l’introduction de son Histoire de la Sexualité II [53], nous ne sommes ni psychiatre, ni sexologue et même, à la condition d’y mettre assez de soin, de patience, de modestie et d’attention, il n’était pas possible d’acquérir dans ces deux spécialités une familiarité suffisante pour mener à bien notre projet.
Convaincus de l’intérêt des auto-questionnaires [145] [12], nous avons donc cherché parmi les nombreux questionnaires de qualité de vie en générale et sexuelle en particulier : ceux utilisés pour les enquêtes historiques : Kinsey (1948 pour les hommes, 1953 pour les femmes) [166], Shere Hite (1981 pour les hommes, 1976 et 2004 pour les femmes américaines, australiennes néo-zélandaises et britanniques [73], H.S. Kaplan. [78]
Pour la France, nous disposons du rapport Simon publié en 1970, (Pierre Simon, décédé le 11 mai 2008) [134], du rapport Spira de 1992 [141] et de l’énorme enquête sur la sexualité en France parue en 2008 sous la direction de N. Bajos et M. Bozon. [8] L’article de M.H. Colson réalisé d’après l’enquête Ipsos santé de 2003 sur 1002 françaises de 35 ans et plus. Bien que sa problématique soit éloignée de la notre, le questionnaire utilisé nous a inspiré. [32] Nous avons également consulté l’échelle d’ajustement dyadique. [7] [28], les questionnaires validés concernant la sexualité et ses troubles : SF-36, m et w SSQQ, QQL, TSS, ISL, IIEF, EQS, DAS, m et w BISF, IMS (Snell), l’inventaire de Derogatis (fonctionnement sexuel), de Lazarus (histoire de vie), de Beck (dépression), de Hudson ( satisfaction générale, estime de soi , satisfaction maritale et sexuelle), de Million III ( clinique multiaxial) et enfin des enquêtes réalisées par des instituts de sondage pour des magasines féminins : Ifop [164], Sofres [167] Bien que tous ces scores soient validés, aucun n’était tout à fait adapté à notre sujet. Nous avons donc décidé de tourner le dos à la validation pour nous concentrer sur le caractère spécifique de notre problématique : l’anus et la sexualité idoine.
Nous avons établi un néo-questionnaire en veillant à une lente progressivité des items afin de ne pas rebuter les personnes interrogées dès les premières questions : de la qualité de vie en générale (SF-36), à la qualité de vie sexuelle, puis à la sexualité anale proprement dite. Nous avons créé deux questionnaires (femme et homme). Certaines questions étaient non applicables pour un sexe, d’autres risquaient d’être ambiguës, leur énoncé a été modifié. Nous avons analysé les comportements sexuels de chaque sexe l’un envers l’autre et tout particulièrement lorsque cela ne va pas de soi. Par exemple : lors de l’énoncé simpliste : «Pratiquez-vous la sodomie ?», on est tenté de voir l’homme sodomiser sa partenaire. Mais qu’en est-il si on s’adresse à LA partenaire ? Que va-t-elle répondre ? Nous avons voulu savoir ce que les femmes font avec l’anus de leur partenaire car nous ne l’avons trouvé clairement dans aucune de nos lectures médicales, mais largement dans la littérature dite érotique. [68]
Comment utiliser ces questionnaires ? Distribuer une version papier ? A qui ? Où ? Comment récupérer les questionnaires remplis ? Comment assurer l’anonymat indispensable si on veut espérer des réponses vraies ?
Dans un premier temps, nous avons essayé de distribuer ces questionnaires dans notre salle d’attente (avec le secret espoir de coloniser d’autres salles d’attente), puis de les récupérer dans une urne au secrétariat. Pas facile ! Nous avons dû renoncer car il n’y avait aucune adhésion et il semblait presque impossible d’assurer l’anonymat et de pouvoir ré-apparier les couples ensuite. Nous avons donc opté pour la mise en ligne sur internet. Cinq à six minutes suffisent pour répondre au questionnaire. Nous avons assuré la diffusion du questionnaire en distribuant des cartons en salle d’attente, en le remettant directement à des inconnus avec une courte explication et à chaque réunion ou congrès professionnel (Paris, Toulouse, Martel pour la proctologie, Strasbourg et Lille pour la sexologie). La promotion du site a été réalisée sur de nombreux sites internet revendiquant une préoccupation sexologique (annexe 3). En surfant de site en site, force est de constater les erreurs, les idées reçues, les âneries qui s’y trouvent. Dans ce flot d’informations, l’irruption d’une requête un tant soit peu sérieuse a été fréquemment interprétée comme «commerciale», ce qui nous a valu pour nombre de sites un bannissement immédiat et définitif ! Entre le 1
er décembre 2008 et avril 2010 nous avons enregistré près de 900 connexions. Malheureusement, un grand nombre d’internautes n’ont pas complété entièrement le questionnaire puisque nous n’en avons que 500 complets. Nous n’avons sûrement pas assez insisté dès le début sur l’importance des réponses du conjoint car avec 500 dossiers utilisables nous parvenons à peine au dessus de 100 couples.


Le langage « php » permet de ne mettre en ligne qu’un seul questionnaire comprenant toutes les questions des deux sexes. Les questions inutiles disparaissent automatiquement. Le fait de cocher la case « Je suis une femme » fait disparaître de l’écran toutes les questions concernant les hommes. De même, pour les questions à choix multiple, le fait de cocher oui ou non fait apparaître ou disparaître les items correspondants. Nous avons préféré obtenir moins de réponses mais uniquement des réponses exploitables en supprimant l’option « ne sait pas » ou « ne se prononce pas ». Il n’est pas possible de poursuivre si on ne répond pas à une question.
Notre problématique est le couple. Il nous faut donc « reconstituer » les couples à partir des questionnaires remplis séparément, à des dates séparées, sur des ordinateurs distants et différents (ce qui rend inutilisables les adresses IP), tout en garantissant un strict anonymat. Nous avons procédé de la façon suivante : la réponse à la question sur la date de naissance de la personne qui répond est au format : JJ/MM/AA (par ex. 12/05/68). Nous avons créé à partir de ces trois nombres un nouveau nombre à six chiffres (par ex 120568). Plus loin dans le questionnaire la personne est interrogée sur la date de naissance de son (sa) partenaire dans le même format : JJ/MM/AA (par ex. 25/11/75) ce qui donne 251175. Lorsque l’autre membre du couple répondra à son tour aux questions, il donnera sa date de naissance : 25/11/75 et celle de son conjoint : 12/05/68. Ces réponses collectées sur internet sont traitées avec le logiciel LimeSurvey version 1.72 puis exportées au format Excel 2007. Les réponses ont été analysées afin d’éliminer les doublons (certaines personnes ont répondu deux fois), les réponses fantaisistes ou non crédibles (patients nés en 1901 ou non pubères par erreur sur l’année de naissance). Malgré nos avertissements nous avons eu des couples de même sexe qui ont été supprimés. À partir d’Excel la base de données a été convertie dans Access 2007. Chaque colonne correspond à une personne ayant rempli le questionnaire. Il suffit d’effectuer une requête pour trouver les deux colonnes où se trouvent les mêmes nombres à six chiffres (120568 et 251175) mais inversés, pour obtenir les deux membres d’un même couple. On peut dès lors comparer avec Access les réponses couple par couple. Nous avons retenu les cent premiers couples pour le présent travail. Il suffit de se reporter à cette annexe pour mieux connaître un couple en particulier. Nous avons géré pour chaque question trois personnages : le couple et ses deux composantes. Nous avons détaillé les réponses afin de savoir dans quelle mesure les données sont en accord ou non à l’intérieur d’un même couple à chaque fois que cela nous semblait intéressant et enrichissant.


Vous pouvez lire la suite en cliquant ICI